LA DISPARITION
DES ZONES DE REPRODUCTION
Le brochet et le sandre sont des espèces sensibles
aux crues.Les rivières et les fleuves se sont modifiés avec
l’urbanisation. Les zones de débordement, qui autrefois servaient
à la reproduction de nombreuses espèces ont été
comblées, ou sont envasées. Ce phénomène s’est
accru depuis la canalisation des cours d’eau qui a entraîné
la disparition des zones d’inondation qui sont autant de zones de
reproduction et de croissance des juvéniles (lones, bras morts
et reculées).
Tous ces endroits magnifiques remplis de joncs que nous avons connus étant
enfants ne sont plus que de vieux souvenirs. Les prés à
vaches et les peupleraies jouxtant le fleuve constituaient également
après les crues de merveilleuses frayères pendant l’hiver,
où les brochets trouvaient toutes les conditions optimales pour
se reproduire.
Les frayères à brochet
Le brochet est une espèce exigeante qui sort du
cours d’eau pour aller dans les zones inondées; lors des
crues hivernales, il entreprend de petites migrations qui peuvent atteindre
parfois 10 à 20 km.
Rechercher ces zones favorables s’avère
une opération très délicate pour eux car les
rivières étant canalisées, les zones de débordement
sont réduites.
Les barrages régulant les crues sur de courtes durées
font qu’une bonne partie des géniteurs se retrouvent
souvent emprisonnés à l’intérieur de ces
zones de débordement mal situées sans avoir le temps
de retourner dans le fleuve après la fraye.
Il est très important pour eux que toute la chaîne alimentaire
soit représentée dans ces lieux : phytoplancton, zooplancton,
invertébrés et différentes espèces de
poissons.
La femelle brochet, suivie par plusieurs mâles, a besoin de
beaucoup d’espace car elle pond plusieurs petits paquets d’œufs.
Le fait qu’elle ponde à différents endroits préserve
un peu l’espèce, car les alevins brochets en grandissant,
deviennent anthropophages et peuvent se dévorer entre eux.
Dans les œufs, les embryons se développent avec une réserve
vitelline qui va leur servir de nourriture pendant qu’ils sont
encore sur les frayères fixés aux végétaux.
Phénomène important car le fond vaseux est très
pauvre en oxygène dissout dans l’eau. C’est à
ce moment que l’on note le plus fort taux de mortalité.
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Par la suite, l’alevin va nager et consommer du
zooplancton. Très rapidement, il va commencer à manger des
invertébrés, puis des alevins, ceci en quelques semaines.
Par la suite, si la nourriture est moins abondante, bon nombre d’alevins
vont exercer une prédation sur leurs congénères(cannibalisme).
Ils se régulent d’eux mêmes et c’est cette particularité
qui leur permettra de survivre en cas de disette.
Etat des populations existantes
Certaines sociétés de pêche très
soucieuses du milieu, ont fait appel à des scientifiques, qui font
une étude complète du milieu et de l’espèce.
Ils commencent par analyser la chaîne alimentaire en faisant des
prélèvement d’herbes, d’algues, d’insectes
pour constater si aucun élément ne manque au bon développement
de l’espèce. Puis ils terminent cette étude par une
pêche au filet, complétée par une pêche électrique
sur un certain nombre de mètres carrés de la surface totale
du lot de pêche ceci pour déterminer la population existante
et effectuer des prélèvements très représentatifs
des espèces.
La pêche au filet permet de capturer les gros géniteurs dans
les profondeurs, alors que la pêche électrique est efficace
sur des petites profondeurs et sur des individus de plus petites taille.
Toutes les tailles sont répertoriées et étudiées.
On peut ainsi définir, en comparant un certain nombre d’individus,
leur croissance exacte. Par exemple, un brochet de l’année
va mesurer 20 cm. On va vérifier par la même occasion si
aucune cohorte n’est manquante dans l’échelle des tailles.
Cela permet de comprendre de suite qu’il est préférable
de restaurer les fonctionnalités de l’écosystème
plutôt que de repeupler. Introduire des poissons de pisciculture
n’a pour effet que d’appauvrir et de fragiliser de plus en
plus les espèces indigènes restantes.
Une des solutions visant à la restauration consiste à aménager
des frayères à brochet le long des fleuves versants au même
niveau que le lit, de façon qu’elle soit toujours en eau
.
Laisser au préalable l’herbe pousser pendant une année
avant la mise en eau permet que se constituent de bons supports de végétaux,
riches en oxygène, où viendront se fixer les œufs.
Les frayères à
sandre
Le sandre souffre lui aussi des canalisations du fleuve
qui lui rendent la vie difficile.
Durant l’hiver en eau vive, les poissons entament de grandes
migrations qui les conduisent généralement vers des
zones proches des barrages. Ces lieux sont parfaits pour la reproduction
car ils réunissent les conditions optimales. Le substrat y
est très propre et bien oxygéné et la nourriture
y est abondante.
En eau stagnante, le processus est différent et les migrations
sans l’appel du courant sont réduites.
Jusqu’à fin janvier, les sandres se nourrissent abondamment
en restant groupés.
Dés février, la prise de nourriture diminue et les femelles
se tenant à l’écart des mâles commencent
à rechercher les zones de fraye.
En mars, les poissons se regroupent et se tiennent prêt pour
le frai en se tenant au repos dans les fosses profondes à proximité
des lieux de reproduction.
Le déclenchement du processus de frai peut s’opérer
suite à une très grosse dépression suivie en
général d’une crue. |
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Dans d’autres cas, une montée rapide de
la pression atmosphérique influence significativement le comportement
du sandre. Ce poisson, comme beaucoup d’autres, ressent les changements
de pression même les plus infimes.
La reproduction
Dés que les eaux sont hautes, ou que la température
de celles-ci avoisine les 12°C , les femelles montent sur les bordures
suivies de près par les mâles.
A la différence du brochet, les poissons n’entrent pas loin
à l’intérieur des terres , mais uniquement sur des
zones en herbes proche du bord, recouvertes après la crue sous
un mètre d’eau.
Les femelles arrivent sur la zone de frai et font un grand nettoyage en
chassant tous les intrus. Elles creusent avec leur caudale de grands nids
en dégageant la vase présente au fond, ne laissant que l’herbe
ou les racines comme support. En eau vive, les nids sont confectionnés
sur du gravier de petit diamètre. Chaque femelle est suivie de
quatre ou cinq mâles tout noirs qui se frottent contre elle. Elles
déposent les œufs dans le nid en se plaçant légèrement
sur le côté. Les mâles à tour de rôle
vont venir féconder les œufs.
Par la suite, sur chaque nid, un mâle va faire le gardien jusqu’à
l’éclosion des œufs, se montrant très agressif
à l’égard de tout ce qui va passer dans le voisinage.
Une anecdote survenue il y a quelques années va mettre en évidence
cette agressivité :des hommes grenouilles se souviennent avoir
été attaqués après avoir traversés
par mégarde une frayère à sandres. Les mâles
très hargneux, n’ont pas hésités à mordiller
les combinaisons en néoprène au niveau des chevilles.
La conséquence de la baisse des eaux
Contrairement au brochet qui a besoin de beaucoup d’espace
pour frayer, le sandre lui va se contenter de bien peu de place pour déposer
ses œufs. Une petite bordure en herbe recouverte par un mètre
d’eau va permettre à une quinzaine de femelles ainsi qu’à
une cinquantaine de mâles de se reproduire.
Le risque le plus néfaste au bon déroulement
de cette opération est toujours le phénomène
des crues : les coups de barrage font monter les sandres sur la première
marche fin mars, ceux-ci vont se reproduire, mais ne vont pas garder
les nids. En effet, après avoir ressenti la baisse des eaux,
deux ou trois jours plus tard, ils abandonneront très vite
la zone de fraie puis par la suite les nids vont se retrouver à
sec en quelques jours. Ce phénomène est remarqué
chaque année dans les ballastières communiquant avec
les fleuves et des milliers d’œufs sont ainsi perdus.
La solution serait de réguler davantage les crues et décrues
aux mois de mars et avril, en les étalant sur de plus grandes
périodes.
On peut palier ce problème en aménageant les frayères
sur les secteurs les plus connus, en contrebas de la première
marche, juste avant la crue pour qu’une majorité de sandres
se reproduisent dans une zone toujours en eau. |
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Dans tous les cas, que ce soit pour le brochet ou le
sandre, la reproduction peut très bien se dérouler, il suffit
de bonne volonté et de main d’œuvre; ainsi les rivières
retrouveraient en quelques années une bonne population de caranssiers.
Marc ROIRON
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