LE PLUS BEAU GESTE, LA PRISE A LA MAIN

Par Marc ROIRON

Après sa capture, saisir un sandre à la main n’est pas toujours un geste facile.
Cette opération est encore bien plus délicate lorsque vous vous retrouvez nez à nez avec un brochet ou un silure qui va disputer chèrement sa vie.

Pourtant, de nombreux pêcheurs sportifs pratiquent ce geste à la perfection.
Pour le maîtriser, il est nécessaire de bien connaître la morphologie et le comportement de toutes ces espèces.

La pêche des carnassiers est un sport à part entière qui se pratique le plus naturellement du monde.

Aucun artifice ne seconde le pêcheur qui va combattre corps à corps avec le poisson.

Sa main, dont il fait si bien usage, sera son seul outil pour se saisir de sa prise si chère à ses yeux.

Le pêcheur à tout instant va improviser pour surprendre son adversaire et le saisir à pleine mains.


Un geste très sportif

Cette action est très délicate car le courant, quelquefois puissant, va être un atout pour le poisson qui va s’en servir pour retrouver le large du fleuve ou de la rivière ;


LES DANGERS POTENTIELS

Les risques encourus lors de cette pratique sont minimes, mais ils existent :

-un brochet peut vous saisir un doigt et vous l’entailler profondément sans aucune difficulté.

-Un sandre ou une perche peuvent vous taillader la main avec leurs opercules osseux très pointus ou vous transpercer la paume avec leur épine dorsale hérissée.

-Un silure n’hésitera pas à claquer la mâchoire sur le bout de vos doigts.

Mais les sensations sont tellement fortes au moment de cette prise à la main qu’elles méritent que vous preniez quelques risques.

 

LES AUTRES METHODES

Certains préfèrent cependant utiliser une épuisette afin d’assurer une grosse prise, trop rare pour risquer d’être décrochée à leurs pieds.


Attention prise à la main dangereuse,leurre
en bord de gueule
Chacun vit comme bon lui semble, mais l’épuisette, selon moi, n’est indispensable que lorsque vous pêchez en surplomb de rivière.
Normalement , une prise en main bien exécutée ne met pas en dangers la vie du carnassier.
En revanche, la carpe se déchire très rapidement si vous la soulevez par les ouies et fera une hémorragie dans la minute qui va suivre.
Dans ce cas, l’épuisette est indispensable pour la survie du poisson.
Certains engins de torture sont toutefois encore utilisés par des pêcheurs soi-disant très près de la nature.
Je tairai le nom de cet ustensile car j’ai vu à plusieurs reprises le mal qu’il a pu faire, dans les mains de débutants qui ont transpercé le ventre de leurs victimes pour les laisser agoniser sur la berge.
Il est vrai qu’un grand silure ou un énorme brochet sont difficiles à saisir, mais la méthode que je vais développer plus loin peut vous permettre d’acquérir une assurance parfaite dans ces mouvements.


L’ECHOUAGE DU SANDRE

La pêche de ce carnassier en gravière, ne nécessite pas une prise en main en pleine eau.
Il faut savoir que la morphologie du sandre lui permet de se décrocher facilement de la ligne et en pleine eau, il va se servir de toutes ses armes de défense et particulièrement de sa caudale, pour tenter de se libérer :
-son épine dorsale déployée va se frotter contre la ligne afin de la couper,
-ses joues terminées par des opercules très pointues, vont se gonfler et frotter également le fil à de nombreuses reprises par des coups de têtes latéraux
-sa mâchoire osseuse garnie de canines très pointues ne va pas vous faciliter la tâche.
-La monture équipée fréquemment de mauvais triples est expulsée vers l’extérieur.


Le geste doit être énergique

Le sandre encore présent au bout de la canne, malgré ses tentatives de décrochages, peut être hissé sur une pente douce ou une gravière d’où il ne peut s’échapper.

En effet, la marche arrière lui est impossible dans si peu d’eau.

Ses nageoires pectorales et ventrales lui permettant ce mouvement ne sont plus immergées.

Seule sa caudale lui permet d’exécuter d’ultimes soubresauts.

S’il s’agit d’un poisson de taille moyenne, vous pouvez venir lui bloquer la tête avec une main en le prenant bien en arrière des opercules.

Pour les grands poissons, après blocage de la tête, le pêcheur se doit de poser sa canne à terre pour saisir ensuite énergiquement la caudale avec l’autre main.

 

LA PRISE PAR LA QUEUE


Prise du sandre à la roumaine
Sur un bord de rivière très encombré, l’échouage n’est pas toujours facile.

Un grand poisson peut-être saisi à la méthode roumaine et comme le font si souvent les pêcheurs de saumons par la queue.
Cette technique n’est pas dangereuse, car vous ne risquez pas de vous blesser avec la monture au moment du contact avec le poisson.

Il est nécessaire de monter le sandre en surface et de le laisser quelques instants dans cette position pour qu’il perde toute son énergie, ses ouies hors de l’eau n’étant plus oxygénées correctement.

Il faut cependant être très ferme lorsque vousserrez la caudale du sandre afin de l’arracher de son élément en un geste vif avant qu’il ne réagisse.

Ce mouvement peu répandu en France est assez spectaculaire et très sportif. Il mérite d’être enseigné et développé vivement au sein de tous les clubs sportifs de pêcheurs de carnassiers.

Cette prise mérite d'être enseignée
dans les écoles de pêche

PERCHES ET BLACK-BASS PAR LE FIL OU PAR LA GUEULE


Les petits carnassiers peuvent être
soulevés directement à la tresse

La technique décrite ici, s’applique lorsque les poids respectifs de ces deux espèces de carnassiers varient de 0,5 à 1 kg.

A bord d’une embarcation, lorsqu’ils sont capturés à l’aide d’une tresse de 16 à 18/100, (le nylon étant trop élastique) ils peuvent être directement arrachés de leur élément en maintenant le fil fermement entre le pouce et l’index dans un mouvement de balancier prompt et énergique parallèle à l’embarcation.


Pour des poissons de plus grande taille, vous pouvez aisément et surtout pour le black-bass, introduire le pouce dans la bouche de celui-ci et faire étau avec le reste de la main en lui bloquant la mâchoire inférieure.

Ce mouvement est très fun et peut être appliqué sur les très grosses perches dépassant le kilo.

Il faut toutefois faire très attention aux hameçons qui pendent sur le rebord de la mâchoire du poisson.


Maintenir fermement la gueule en formant
un étau avec le reste de la main

LE BROCHET PAR LA TÊTE ET LES OUIES

Les brochets de petit gabarit de 0,5 à 3 kg, sont beaucoup plus énergiques que les gros poissons. Il faut vous en méfier même lorsqu’ils sont fatigués et passifs.
Dans tous les cas de figure, les opérations se déroulent comme pour le sandre ou tout autre carnassier : vous laissez le brochet en appui contre la surface de l’eau et vous attendez que tout mouvement s’estompe. La précipitation n’est pas utile.
Si le poisson se présente de dessus, vous visez bien la tête que vous saisissez entre le pouce et l’index à la hauteur des deux joues. Celles-ci ne sont pas coupantes comme celles du sandre.


Prise dun brochet...

...en maintenant fermement les joues

Si le poisson arrive directement sur le dos, un deuxième procédé consiste à introduire l’index dans le V sous la tête : vous laissez les deux phalanges recourbées en forme de crochets et vous enlevez le poisson délicatement en prenant garde aux coupures qui peuvent être occasionnées par les ouïes et les dents palatines très nombreuses (voir l'article spécifique sur cette prise ICI - NDLR).
Ce mouvement demande un apprentissage certain pour les débutant, mais il s’avère nécessaire pour la capture des très gros brochets difficiles à tenir d’une seule main.

UN MOUVEMENT A PROSCRIRE…

Ce mouvement est efficace mais peu orthodoxe, il est employé dans certains endroits sur les brochets de très grandes tailles : le poisson est saisi directement par les orbites qui offrent une prise au pouce et à l’index.
Au moment de la levée du poisson, celui-ci se contracte dans toute sa longueur et reste immobile.
De nombreux brochets remis à l’eau après cet acte indélicat deviennent aveugle et meurent faute de nourriture, longtemps après…


LE SILURE PAR LA MACHOIRE INFERIEURE

De par sa morphologie, le silure ne suscite pas particulièrement d’engouement pour sa prise à la main.
Pourtant c’est le moyen le plus fiable d’assurer sa capture.

Les gros silures ne sont pas dangereux,
il est facile de les empoigner
Il faut savoir que sa mâchoire massive est munie de nombreuses dents inoffensives qui n’ont pour effet que de provoquer quelques éraflures sur les doigts.
Une mâchoire de silure se refermant sur une main ne la met pas en charpie comme ont pu le prétendre certains journalistes dans la presse à sensation.
Le seul outil à craindre chez ce poisson, comparable à un étau, est situé au fond de sa gueule.
Il s’agit des dents pharyngiennes, tournées vers l’intérieur, sur deux pièces rondes et cartilagineuses qui vont coincer et écraser les aliments avant de les engloutir.
Ces mamelons n’auront aucun mal à briser une coquille ou une carapace d’écrevisse. La méthode appliquée le plus couramment est la prise du waller guff.
Elle consiste à refermer le pouce sur la mandibule inférieure du silure pour faire étau avec le reste de la main repliée.
Vous maintenez fermement cette prise à la levée du poisson qui ne doit en aucun cas glisser.
Certains utilisent des gants pour ce mouvement qui peut légèrement érafler le pouce si le poisson glisse.
Pour ma part, je l’attrape à mains nues.
Le risque majeur à éviter dans tous les cas est d’être en contact avec le triple ou l’hameçon qui peut vous déchirer un doigt.
Si l’hameçon pend sur l’avant de la gueule, procédez comme pour le brochet en glissant l’index dans le V sous les opercules.

Prise du waller-guff

LE MUCUS

Quelle que soit l’espèce, les poissons sont tous plus ou moins recouvert de mucus.
C’est une protection indispensable pour l’imperméabilisation et contre les maladies bactériennes ainsi que les parasites très nombreux dans l’eau.
En attrapant un poisson à la main, avec des mains sèches, vous risquez de retirer ce mucus protecteur et de ce fait rompre cette imperméabilisation.
Ces zones fragiles seront alors plus sensibles au développement des champignons qui vont provoquer des mycoses chez le carnassier.
Par la suite, des taches blanches vont apparaître en formant des mousses néfastes à la santé du poisson.
Si celui-ci est remis dans son élément après un mauvais traitement, il a peu de chance de survie.
Plusieurs facteurs importants doivent être impérativement respectés :
1 se mouiller abondamment la main qui va réceptionner le poisson.
2 Ne pas laisser le poisson se débattre au fond du bateau souvent souillé
3 La remise à l’eau doit s’effectuer rapidement
4 Si une séance photo est envisagée, vous pouvez conservez le poisson quelques minutes dans un linge propre et humide en lui cachant les yeux pour lui éviter le stress.


CONCLUSION

La prise en main des carnassiers est un geste admirable qui symbolise le respect que vous pouvez avoir envers ces combattants de l’impossible.
Bien la maîtriser, c’est aussi l’assurance de lever toute sorte de carnassiers et surtout les plus gros sans prise de risque.
Ce mouvement finalise très bien le combat du poisson avec le pêcheur sportif qui n’emploiera que sa main pour le saisir.

Marc ROIRON