LA REGLEMENTATION FACILE (1)

EAUX LIBRES / EAUX CLOSES

 

Nous allons inaugurer une petite série d’articles sur la réglementation de la pêche.

Comme souvent dans le petit monde halieutique, la rumeur et les on-dit ont tendance à devenir force de loi. Il est vrai que le caractère parfois touffu et peu lisibles certains textes peuvent désorienter le juriste le plus aguerri…

Ces articles ont pour objectif de répondre à certaines questions simples que tout le monde s’est un jour posées, sans trop savoir vers qui se tourner pour obtenir une réponse argumentée. Il ne s’agit pas de faire un cours de droit, ou de trancher des litiges en cours, mais simplement d’expliquer les bases de la réglementation.

Pour démarrer cette série, nous allons commencer par ce qui constitue le fondement de notre loisir : l’eau. Sans elle, pas de poisson, ni de pêche.

On peut distinguer trois cas de figure : les eaux libres, les eaux closes et le cas particulier des piscicultures.

Les eaux libres :

Selon l’article L. 431-3 du code de l’environnement, entrent dans les champs d’application de la loi tous les cours d’eau, canaux, ruisseaux ainsi que les plans d’eaux avec lesquels ils communiquent. C’est la seule qualification juridique d’eaux libres, même si ce terme n’est pas cité directement dans l’article.

Les eaux closes :

Les eaux closes constituent a contrario les plans d’eaux dépourvus de communication suffisante avec les eaux libres.


Eau libre ou eau close ? le réponse
détermine l'assujetissement à la loi pêche

Une définition sujette à interprétation :

Comme très souvent en matière de droit, le texte de loi, par nature très général afin de couvrir, normalement, toutes situations envisagées par le législateur, est sujet à interprétation. En général, des circulaires administratives précisent le cadre légal, mais seul les jugements des tribunaux, qui tranchent sur des cas concrets et souvent litigieux, sont à même de donner une interprétation plus tangible de la réalité couverte par les articles visés : ces décisions judiciaires constituent la jurisprudence.

En la matière, le litige porte sur la notion de communication des plans d’eaux avec le reste du réseau hydrographique, ce qui permet de qualifier ou non ce plan d’eau d’eaux libres. En effet, le plan d’eau peut communiquer soit, de manière continue, mais avec des valeurs hydrauliquement faibles, soit de manière discontinue.

Le schéma classique a été suivi ici : une circulaire administrative du 16/09/1987 a défini par défaut les eaux libres en définissant les eaux closes sur la base de deux critères : l’absence de communication en amont avec des eaux libres, et la même absence en aval, sauf, éventuellement, par des fossés ou des exutoires de drainage ne permettant pas la vie piscicole.

Cette position a été précisée par les tribunaux : le tribunal administratif de Dijon a ainsi jugé que la présence en quantité significative d’invertébrés aquatiques dans un exutoire et corrélativement la possibilité d’une vie piscicole justifie la qualification d’eaux libre du plan d’eau.

La cour de cassation considère que l’absence de communication permanente, naturelle et directe conférait à un plan d’eau le statut d’eaux close. De manière générale, l’existence d’une crue exceptionnelle ou la mise en communication par l’effet d’une vidange ( article L. 431-4 du code l’environnement ) ne modifie pas le statut d’eau close.


Enfin, il convient de noter que si l’administration propose une qualification et effectue un inventaire des plans d’eau, elle ne peut fixer par arrêté ce classement et que le statut peut être déterminé par l’autorité judiciaire.

Les conséquences du classement :


La conséquence directe de cette qualification constitue l’assujettissement ou non des plans d’eaux à la police de la pêche en eaux douce… d’où les litiges.

En effet, le classement en eaux close permet au propriétaire d’échapper à la loi pêche ( d’où la possibilité d’autoriser par exemple la pêche de la carpe de nuit, des carnassiers en période de fermeture, …), ce qui s’avère bien pratique pour attirer des pêcheurs soucieux de contourner, au moins pour un temps, une réglementation parfois contraignante. Par ailleurs, l’adhésion à une APPMA n’est pas obligatoire.

C’est ainsi que la possibilité de soumettre le plan d’eau à la police de la pêche, pourtant prévu à l’article L 431-5
du code de l’environnement, est rarement utilisée, y compris par les associations agréées…

Le cas particulier des piscicultures :

Citées ici pour mémoire, les piscicultures régulièrement installées et équipées de dispositifs permanents empêchant la libre circulation du poisson entre ces exploitations et les eaux avec lesquelles elles communiquent, visées aux articles L.431-6 et 7 du code de l’environnement, sont des exploitations d'élevage de poissons destinés à la consommation ou au repeuplement, ou à des fins scientifiques, ou expérimentales, ou de valorisation touristique. Dans ce dernier cas et lorsqu'elles concernent des plans d'eau, les autorisations et concessions stipulent que la capture du poisson à l'aide de lignes dans ces plans d'eau est permise.

Tout comme pour les eaux closes, l’adhésion à une APPMA n’est pas obligatoire. Toutefois, si la superficie de la pisciculture est supérieure à un hectare, une taxe piscicole est exigée.


Mise à jour après publication des textes de la loi sur l ‘eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 :

Cette mise à jour définit – enfin – la notion d’eau close.

Afin de mettre un terme aux diverses controverses sur cette notion d’eaux libres / eaux closes, le Conseil d’Etat avait préconisé un texte clair visant à sécuriser la situation des propriétaires d’étangs. Un rapport – dit rapport Vestur – avait émis un certain nombre de propositions, qui ont servi de bases aux travaux parlementaires.

Ces derniers ont dû néanmoins prendre en considération les revendications des représentants de la pêche associative, hostile à l’idée d’un texte qui élargirait par trop la notion d’eau close. Il en est résulté les textes suivants.

Aux termes de l’article L431-4 du Code de l’environnement, les fossés, canaux, étangs, réservoirs et autres plans d'eau dans lesquels le poisson ne peut passer naturellement sont soumis aux seules dispositions du chapitre II du présent titre ( soit à la loi sur l’eau et à l’ensemble des dispositifs régissant la pêche en eau douce ).

Apportant certaines précisions, l’article 2 du décret du 15 mai 2007 dispose que constitue une eau close au sens l’article L431-4 le fossé, canal, étang, réservoir ou autre plan d’eau dont la configuration, qu’elle résulte de la disposition des lieux ou d’un aménagement permanent de ceux-ci, fait obstacle au passage naturel du poisson, hors événement hydrologique exceptionnel. Un dispositif d’interception du poisson ne peut, à lui seul, être regardé comme un élément de la configuration des lieux au sens de l’alinéa précédent ( article R 431-7 du Code de l’environnement ).

Plus précis, ce texte laisse néanmoins certains points en suspens ( définition d’un poisson – un alevin peut-il être considéré comme un poisson ? - , définition d’un événement hydrologique exceptionnel, des dispositifs d’interception,… ), qui laisse craindre que la situation ne soit pas forcément beaucoup plus claire après le nouveau texte qu’avant …