LA PÊCHE AU VIF

Une technique ancestrale considérée comme meurtrière par ses détracteurs, mais perçue comme incontournable par ses partisans, qui reste néanmoins un moyen très efficace pour pêcher les carnassiers avec un appât naturel, notamment face à des poissons inactifs ou éduqués.
Bien avant l’invention du poisson nageur par Lauri Rapala en 1936, l’homme savait se contenter de ce mode de pêche qu’il a fait progressivement évoluer en fonction des diverses arrivées de matériaux nouveaux, et aujourd’hui encore les concepteurs utilisent tout leur savoir faire afin de mieux adapter les montages à la pratique d’une pêche moderne basée sur le respect du poisson et de son environnement.

Cette pêche est sans doute peu pratiquée par les citadins qui ont tendance à habiter en appartements, alors que les campagnards qui bénéficient souvent de maisons individuelles ont plus de possibilités de conserver leurs vifs dans leurs sous-sols ou garages, et il faut également reconnaître que cette technique est pour eux une tradition qui se transmet de pères en fils et de générations en générations.
La nature est faite de sorte que les carnassiers se nourrissent de poissonnets, et parfois de poissons de bonne taille, par conséquent c’est le plus naturellement du monde que l’homme a tenté de tromper ces prédateurs en les pêchant avec des vifs de différentes sortes.
Surtout n’allez pas vous imaginer que c’est une pêche pour « grands pères » et retraités et qu’il suffit de s’installer au premier poste venu sur ce plan d’eau bien sympathique situé juste en bordure de route ! Dans cet article nous parlons de la pêche au vif de façon globale, mais les gens qui la pratiquent régulièrement vous dirons qu’il faut faire la différence entre les pêches statiques et les pêches itinérantes, que ce soit en rivière ou en plan d’eau, du bord ou encore en bateau, et croyez-moi, parfois c’est bien plus physique que certains sports reconnus comme tels.

Le matériel

Les cannes : Il n’est pas vraiment obligatoire de pêcher brochets, sandres, et autres perches avec du matériel très onéreux et à la pointe du progrès, quelques simples ensembles à 30 ou 50 € pièce, composés de cannes télescopiques en fibre de verre assorties de moulinets à tambour fixe comportant quand même 2 ou 3 roulements à billes, conviennent parfaitement ; par contre des cannes en carbone type cannes à carpe avec des moulinets débrayables apportent un confort d’utilisation non négligeable, notamment lors des lancers ainsi que lors des combats avec des beaux sujets.

Nylons et accessoires : Bien que là aussi il soit possible de pêcher avec du matériel « bas de gamme », il est quand même préférable de trouver un juste milieu dans ses choix.


Le nylon peut varier de 25 à 35 centièmes selon les marques et qualités présentent sur le marché. Il convient de parler de centièmes plutôt que de kilos quand on fait référence au nylon, et c’est ainsi que certains monofilaments de 25 centièmes choisis parmi des grandes marques, sont plus résistants que d’autres de 30 centièmes qui affichent la même résistance en kilos ; de plus un fil de diamètre inférieur coulissera mieux dans les anneaux lors des lancers.

Les flotteurs et plombées sont à choisir dans des formes fusiformes qui ont l’avantage de mieux pénétrer l’air et présenter moins de masse face au vent ; les choix de couleurs sont l’affaire de chacun, cependant les tons proches de l’environnement de pêche (couleur de l’eau par exemple) sont préférables afin d’assurer une certaine discrétion face à l’adversaire.

Petit matériel : Il est utile d’avoir, dans sa boite de pêche, quelques perles en caoutchouc pour protéger les nœuds, en particulier entre la plombée et l’émerillon agrafe qui servira à raccorder le bas de ligne, diverses agrafes, des arrêts pour flotteur coulissant aussi appelés « stop float » et des plombées de différents grammages en rapport avec les tailles des flotteurs.


Bas de lignes : Habituellement les pêcheurs ont tendance à dire : acier pour le brochet et nylon pour la perche et le sandre ; le choix parait simple, mais en fin de compte il est important de savoir si le brochet est présent ou pas dans le plan d’eau, et dans la majorité des cas il y figure (n’oublions pas que c’est le nettoyeur, celui qui régule les populations et se nourrit avant tout de poissons malades ou blessés), par conséquent des bas de lignes en aciers sont à privilégier. Quand on évoque l’acier, beaucoup de pêcheurs inexpérimentés voient en premier lieu un « petit câble » entouré d’une gaine plastique, comme celles qui étaient couramment commercialisées par le passé. Aujourd’hui les progrès réalisés par les divers fabricants permettent de choisir des bas de lignes acier vraiment très discrets, souples et résistants, utilisables autant pour les pêches du sandre que celles du brochet, et il est vraiment très important d’en tenir compte sous peine de n’avoir qu’un nombre limité de touches, en particulier lors de certaines périodes où les carnassiers sont « difficiles ».

Les hameçons : Simples, doubles type « ryder » ou encore tridents sont à choisir en fonction de la taille du vif et du montage choisi, généralement dans les tailles 10 pour les plus petits à 2/0 pour des vifs ou poissons morts de très grande taille.

 

Les montages et leur utilisation

Le flotteur à roder : C’est sans doute le montage le plus connu car il ressemble beaucoup à celui utilisé pour la pêche au coup, à la différence qu’ici l’appât en constitué par le vif !
Avec ce montage, le vif va pouvoir se déplacer à divers endroits du plan d’eau ou de la rivière, ou encore le flotteur entraîné par le vent va emporte le vif à une distance que vous ne pouviez atteindre par le lancer, augmentant ainsi la zone de prospection. Ce montage est aussi parfait pour une dérive dans le courant, ou encore à la limite des remous qui constituent souvent des bons postes à sandre.

Le « pater noster » : Fixe ou coulissant, ce montage est à utiliser dans les trous au beau milieu des herbiers, il sera très utile pour empêcher le vif de se réfugier et se cacher dans les herbes. Comme le plomb repose sur le fond, le vif est contraint d’évoluer dans un espace restreint et il est constamment exposé à la vue du prédateur.

La plombée : Avec ou sans flotteur (couché sur la surface si vous en utilisez un, car il aura plus de fond que nécessaire et dans ce cas il ne servira que d’indicateur), que ce soit au vivant ou au mort, la plombée est destiné à rechercher les carnassiers qui évoluent vers le fond, et bien souvent ce sont les plus gros qui se trouvent à ces endroits là !
Dans la plupart des cas le pêcheur utilise un montage coulissant qui empêche le carnassier de sentir une résistance lors de la prise de l’appât et au moment du départ.
Si le fond est encombré par de la vase ou des herbiers dans les zones de faible profondeur, ajoutez une boule de polystyrène à l’intérieur d’un poisson mort afin de le décoller et de le rendre plus visible et attractif…

Au niveau du moulinet…

Pendant l’action de pêche, il est primordial que le fil soit libre : c'est-à-dire qu’il puisse se dérouler dès le départ afin que le carnassier ne sentent aucune résistance (en été le sandre est très méfiant et relâche au moindre doute… il ne faut pas oublier qu’il trouve sa nourriture assez facilement à cette période de l’année, et que bien souvent il tue par plaisir avant de revenir se nourrir sur les lieux du carnage…).
Notre pêcheur au vif a diverses possibilités pour rendre le fil libre, en fonction du moulinet qu’il utilise, qu’il soit classique ou débrayable comme ceux utilisés par les carpistes (sur notre illustration un débrayable).
1/ Le « pick up » reste ouvert et le fil peut aussi se dérouler dès l’attaque, mais attention en cas de vent il y a un gros risque de se retrouver avec une jolie perruque sur le sol, par conséquent il est préférable de glisser ce fil sous un élastique placé près du moulinet qui se libérera quand le carnassier prendra le large avec l’appât ; ça sert également d’indicateur de touche lorsque l’on pêche à fond sans bouchon.
2/ Le « pick up » reste fermé, mais le moulinet est débrayé et réglé de façon très fine, et dans le cas présent ce sera le bruit du moulinet qui servira d’indicateur de touche.
* Attention, nous parlons ici d’indicateur de touche par rapport à l’élastique et au bruit du moulinet, mais il faut bien garder à l’esprit qu’il est important de bien surveiller ses cannes afin de pouvoir agir rapidement lors d’un départ.

Les esches et les eschages

Pour pêcher les carnassiers, il est très important d’avoir plusieurs sortes de poissons comme vifs. A certains moments de l’année, telle espèce peut s’avérer plus prenante que telle autre, et c’est ainsi qu’en octobre voir novembre, un chevesne prendra du brochet à coup sûr, alors que goujon ou ablette auront rapportés beaucoup de touches en septembre, une grémille est un bon vif pour la grosse perche en septembre, mais n’oublions pas qu’une perchette et une tanche sont efficaces en décembre et janvier ; un vieux pêcheur disait souvent que le brochet privilégie les poissons gras en hiver, que ces derniers ont bien plus de calories et vitamines que les blancs (à vérifier si vous tombez sur quelques rapports scientifiques).

 
 
 
 
 
 
 
 

 

 
 
 
 

Le choix des postes de pêche

Les carnassiers sont des prédateurs qui se placent sur des postes d’affût lorsqu’ils recherchent des proies. Ces postes sont constitués par les éléments naturels qui forment des obstacles et encore des caches, comme par exemple des arbres ou branches immergées, des roches ou éboulis, des épaves de barques, des herbiers et des variations des profondeurs dues en raisons de cassures ou haut fonds. Les bordures de courants et les arrivées d’eau sont également d’excellents postes, car ils rapportent à la fois l’oxygène et la nourriture pour la blanchaille qui est toujours suivie de près par brochets et compères.


Les recommandations Carnavenir

Les eschages : Utilisez des montages qui permettent de rendre la liberté aux prises que vous ne conserverez pas (triple sur le dos, montage Stewart…), faites en sortes qu’elles retrouvent leur milieu en bonne santé et pas abîmées par des hameçons plantés dans leur estomac.

Les vifs : Respectez bien entendu la réglementation : il est interdit d'utiliser comme vif les espèces soumises à taille légale de capture (brochets, sandres, truites, black-bass...) ainsi que les espèces classées nuisibles (perches soleil, poissons chats...). Au-delà, n'utilisez pas comme vifs des espèces menacées, même si celà est autorisé par la loi. Carnavenir recommande ainsi, notamment, de ne pas utiliser l'anguille comme vif pour le silure.

Ferrage : Oubliez les anciens conseils de « fumer une cigarette avant de ferrer » ou « d’attendre le deuxième départ » qui ont condamné à mort des milliers de brochetons. N’attendez pas pour ferrer un poisson, même si parfois cela vous en fera manquer un de temps à autre ; nous pêchons tous pour le plaisir de sortir du poisson et tant qu’à faire des pièces de choix qui procurent des sensations inoubliables, par conséquent notre devise doit être : « ferrage à la touche pour des poissons piqués dans la bouche »

Nombre de cannes : La loi autorise la pêche à l’aide de 4 cannes qui peuvent s’avérer très utiles pour rechercher les poissons sur des postes différents et variés, cependant à certaines périodes de l’année quand les carnassiers sont pris de frénésie alimentaire, il devient bien difficile de surveiller ces 4 cannes, surtout s’il y a des départs sur plusieurs en même temps ; dans ce cas plusieurs poissons auront engamé bien profondément, et leurs jours seront en danger. Face à de telles situations, nous préconisons une pêche à l’aide de 2 cannes seulement, soit les 2 au vif ou une seule au vif et l’autre pour traquer aux leurres, ainsi votre attention se porte sur un champ restreint. Il est également important de garder ses cannes à portée de main et de les surveiller pour pouvoir réagir rapidement dès qu’un « départ » se produit.

Les hameçons : Choisissez les dans des aciers traditionnels, et réservez les chromés pour la pêche à la tirette (voir l’article à ce sujet). Les carnassiers ont des sucs gastriques qui les aident à digérer le métal des hameçon, ils continuent à se nourrir même quand ils ont un trident dans l’estomac (je l’ai vérifié sur le « terrain ») cependant le processus est long et pénible pour le poisson, et rien ne lui garanti vraiment qu’il s’en sortira vivant ; toutefois s’il vous arrivait par accident de vous retrouver avec un poisson ne faisant pas la maille et qui a avalé bien profondément, coupez le bas de ligne dans sa gueule sans essayer de tirer plus amplement sur le fil… cela lui déchirerait l’estomac et le condamnerait à une mort certaine, vous privant ainsi de toutes chances de le reprendre un jour bien plus gros.


Didier S.